Soudan
Au Soudan, les contestataires ont beau avoir réussi à déboulonner le leader de longue date Omar el-Béchir, ils n’ont pas pour autant obtenu un changement radical de régime. Derrière les généraux qui tiennent le pouvoir actuellement à Khartoum, ils ont sans doute un cartel encore plus puissant qui tire toutes les ficelles et les éloigne de la révolution tant rêvée : des régimes arabes.
Depuis lundi, la situation a dégénéré au Soudan. Les militaires ont fait crépiter les armes et la contestation a dénoncé la perte d’au moins 35 manifestants. Un bilan nié par les généraux au pouvoir. Pur hasard ou opération mijotée, cette montée de fièvre survient quelques jours seulement après une série de réunions entre les dirigeants de la junte militaire soudanaise et des régimes autocratiques arabes, soupçonnés de vouloir contrecarrer les aspirations des manifestants soudanais, s’inquiètent des analystes.
Abou Dhabi et Ryad misent sur les militaires actuellement au pouvoir au Soudan pour “consolider un contrôle sur le long terme dans ce pays”, a affirmé à l’AFP Andreas Krieg, professeur au King’s College de Londres.
Jadis alliés du président Omar el-Béchir qui a fléchi le 11 avril sous la pression de la rue, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Egypte n’ont d’ailleurs pas simulé leur soutien aux militaires soudanais désormais au pouvoir. Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi a notamment reçu le général Abdel Fattah al-Burhan, chef du Conseil militaire de transition, après la fin des pourparlers avec l’opposition sur la formation d’un nouveau gouvernement à la fin du mois dernier.
Publiquement, le président Sisi s’est engagé à honorer la “volonté du peuple soudanais”, promettant au nouveau régime l’appui égyptien. Auparavant, M. Sisi qui a gagné en influence régionale grâce à sa désignation à la tête de l’Union africaine, a pu obtenir auprès de l’institution la prolongation à trois mois d’un ultimatum accordé aux militaires. L’Union africaine avait pourtant fixé ce délai à quinze jours.
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Au-delà des considérations régionales, pour l’Egypte, un soutien au régime militaire soudanais revêt trois intérêts majeurs. Le Caire espère notamment compter sur certaines concessions soudanaises dans le conflit qui l’oppose à l’Ethiopie sur le barrage de la Renaissance, actuellement en cours sur le Nil. Khartoum serait également une importante base arrière dans la lutte contre le “terrorisme” menée par Le Caire. Et surtout, freiner la renaissance des Frères musulmans, haïs par l’actuel régime égyptien.
Cette dernière ambition régit également l’implication de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis dans la crise au Soudan. Les deux pétromonarchies ainsi que l’Egypte veulent donc pouvoir influer sur la future politique du Soudan, notamment en matière de sécurité, de terrorisme et d’Iran, leur “bête noire”. Des assurances que ne leur garantit pas un pouvoir civil dont le leader pourrait être imposé par la contestation.
Outre les rencontres avec les généraux soudanais, Ryad et Abou Dhabi ont annoncé une aide conjointe de trois milliards de dollars et ont déjà déposé 250 millions chacun à la Banque centrale du Soudan.
Pour les leaders de la contestation soudanaise, toutefois, cet intérêt marqué des régimes arabes pour la crise politique que vit leur pays, est de mauvais augure, estimant que personne ne devrait décider de l’avenir de leur pays.
“Le changement (politique) a été amené par le peuple soudanais et n’a rien à voir avec tout autre pays”, affirme un des meneurs du mouvement sous le couvert de l’anonymat, accusant les pays du Golfe de vouloir utiliser le Soudan comme “champ de bataille”.
“Nous voulons une relation équilibrée avec les pays de la région”, insiste-t-il.
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